Notes d’intention « Se méfier des eaux qui dorment »
Qui sommes-nous empêchés dans un corps d’oiseau sans possibilité d’envol ?
Qu’est-ce qui fait signes ?
Peut-être est-ce le reflet qui nous incite à plonger ou au contraire à nous éloigner des rives. Ou encore nos luttes, celles pour sauvegarder nos territoires collectifs et nos espaces intimes. Même si dans les rêves, c’est l’amour qui fait loi.
Qu’est-ce qui fait Cygnes ?
Ballet dépourvu de livret incontestable au sens d’incontesté, c’est l’essence du Lac des Cygnes et son territoire d’ambiguïtés qui sont ici convoqués. Un Lac qui s’affranchit en un fleuve, aux eaux noires et blanches qui ne se rencontrent pas. Qui se transforme en un corps Amazone, un lac aux bassins multiples, organique et aride à la fois où chaque interprète est signe. Plus que par l’air, les corps sont traversés d’états-fleuve qui les hissent à la crête des vagues puis les submergent en un battement d’aile. Ici, c’est le désir urgent de peau qui fait loi, l’arbalète qui traverse et sidère. Et l’écho d’un Lac dans la chair.
Puisque l’oeuvre symphonique puissante et mélodique de Tchaïkovski est une oeuvre à trou, aux partitions réajustées, complétées, inversées, l’aire de jeu est propice à inventer un dialogue entre la musique du Lac et la création du compositeur Jérémie Morizeau, toutes deux confrontées au matériau sonore brut des collections du MEG.
J’ai toujours considéré que c’est dans l’abstraction que se révèlent les paradoxes de l’individu et c’est, là encore, la faille qui est convoquée. La distribution est un corps de la diversité de 8 interprètes femmes / hommes aux différences d’âges, de parcours, techniques, qui porte cette vision très personnelle du Lac. Chaque corps est signe, et plus que par l’air, il est traversé de ces états fleuve.
Se méfier de l’eau qui dort, se méfier des signes.
Yvann Alexandre